Parc national des Pingualuit — 5 jours d’expédition en hiver au delà du 55e parallèle
Le parc national des Pingualuit est le point d’orgue de ce voyage d’hiver dans le nord du Québec avec Parcs Nunavik. Véritable beauté et curiosité météorique, le cratère des Pingualuit a été le début d’une sacrée aventure polaire en plein cœur d’une toundra lunaire. Je vous raconte le déroulé de cette épopée. L’aventure au Nunavik…
Le parc national des Pingualuit est le point d’orgue de ce voyage d’hiver dans le nord du Québec avec Parcs Nunavik. Véritable beauté et curiosité météorique, le cratère des Pingualuit a été le début d’une sacrée aventure polaire en plein cœur d’une toundra lunaire. Je vous raconte le déroulé de cette épopée.
L’aventure au Nunavik se poursuit ici. 24h d’accoutumance au village de Kangiqsujuaq et dans ses alentours, il est l’heure de partir pour un voyage tout aussi initiatique que physique. Nous sommes le 02 mai, le rendez-vous est pris au garage du village. Nous retrouvons nos guides inuits pour les prochains jours d’expédition.
De la baie d’Ungava à la toundra
Un peu plus de 100 kilomètres de motoneige nous attendent pour cette première journée afin de rejoindre le Camp Manarsulik, seul campement du parc national. Des paysages incroyables vont alors se succéder. D’abord, les falaises enneigées qui se jettent dans la baie d’Ungava. Les dunes de neige, incroyablement perturbantes. Puis la toundra. La voilà. Des tracés de motoneige qui s’enfoncent dans ce néant blanc. Quelques inuksuit nous ouvrent le passage. Impossible d’évaluer les distances ; je perds déjà tous mes repères. Accrochée à Willie, je me protège le visage du soleil qui tape extrêmement fort dans ce pôle tout en ne voulant pas en perdre une miette.
Après plus de 4 heures de motoneige et quelques dizaines de lagopèdes chassés, nous arrivons enfin au cratère. Quel puissance. Quelle immensité. C’est un sentiment indescriptible qui me vient à l’esprit. Il ne fait pas si froid (peut-être -10 degrés) mais le vent est terrible et grave. Pourtant, je reste là, bouche-bée, devant cette curiosité à la fois étrange et fascinante. Le lendemain la journée sera plutôt relax au cœur du parc national des Pingualuit. L’occasion de revenir voir ce monstrueux cratère et de descendre en son enceinte pour récupérer un peu de sa fameuse eau.
Boire l’eau la plus pure au monde au cratère des Pingualuit
À l’initiative des communautés Inuites du nord du Québec, le parc national des Pingualuit a été le premier parc national du Nunavik créé en 2007. Sous l’immensité d’un ciel arctique serein et au milieu du plateau de l’Ungava, se dresse l’œil de cristal du Nunavik : le cratère des Pingualuit. Parfaitement circulaire, ou presque, sa circonférence mesure 9,5km. Son diamètre quant à lui 3,4km. Imaginez-vous ! Dans le creux d’une toundra intensément lunaire, ce cratère météorique apparu il y a 1,4 million d’années (à l’époque pléistocène) fascine aussi bien les Inuits que les voyageurs qui s’aventurent dans ces contrées isolées. Si en été ses eaux bleutées et limpides hypnotisent, je l’ai découvert en hiver givré dans l’espace et le temps sous des mètres de neige.
Campement Manarsulik au parc national des Pingualuit
J’aime m’imaginer avoir marché sur la lune, car clairement, lors de ce voyage au Nunavik je me sentais bien loin de la Terre. Mais revenons-en au cratère. Ce dernier serait apparu à la suite de l’impact d’une météorite d’une puissance, dit-on, 8500 fois plus forte que la bombe atomique d’Hiroshima. C’est aussi, malgré ces millions d’années d’existence, l’un des plus récents cratères du Canada.
Le cratère est entièrement fermé et n’est alimenté uniquement en eau de pluie. Aucune autre eau ne peut l’atteindre. L’eau est alors reconnue comme étant la plus pure au monde. Elle est même sacrée pour les Inuits qui, à chaque visite, ramènent de l’eau pour la famille et les aînés. Autre fait, les ombles chevaliers du lac Pingualuk, “prisonniers” de ce lac après la dernière glaciation, sont devenus au fil des décennies : cannibales. Enfin (et pour finir avec l’aparté culturelle), 330 ans c’est le temps évalué par les scientifiques pour que le lac puisse se régénérer intégralement. D’où l’importance des Inuits pour sa sauvegarde et la création du parc national afin que celui-ci soit protégé.
Une expédition au-delà du 55e parallèle
04 mai. Le grand départ est lancé. Nous laissons derrière nous cette curiosité géologique pour s’engouffrer dans la toundra. L’objectif ? Rejoindre Kangiqsujuaq en ski de fond, le tout en 4 jours. Nous laissons derrière nous ce premier campement des Parcs Nunavik pour rejoindre la prochaine étape : le camp Cournoyer. Petit à petit, le cratère s’éloigne pour finalement disparaître dans cet amas de neige. Cette steppe arctique nous enrobe et nous octroie nos repères. C’est une sensation que nous avons eu tous les jours au Nunavik. Ne plus savoir quelle heure il est. Ne plus retrouver le nord du sud. Ne plus distinguer le sol du ciel. Un dégradé tantôt de bleu, tantôt de blanc qui nous rendrait presque fou. Voilà notre quotidien.
L’expédition débute alors. Et de longues heures nous attendent. C’est la première fois, réellement, que je pratique du ski de fond, de manière intense qui plus est. Les autres voyageurs ont déjà pris le devant. J’aperçois leur silhouette s’estomper progressivement dans, ce que je m’imagine être, une épaisse crème glacée. J’essaye de glisser, de trouver un rythme, de comprendre le pas. Les premières minutes heures sont compliquées ; je ne vous le cacherai pas. Benjamin ne maîtrise pas spécialement la technique, mais il avance me donnant l’impression de stagner. De me noyer dans cette mer gelée. Je n’ai aucun repère visuel, hormis quelques drapeaux quand ces derniers apparaissent tel un mirage dans un désert.
À la moitié du parcours je décide (ce qui avait été convenu pour les besoins du reportage) de prendre une motoneige. Mon corps est à bout après ses 8km de ski de fond. Je n’étais pas préparée. Psychologiquement, ni physiquement. La journée se déroule, je reste avec nos guides inuits, je pars chasser avec eux. J’arrive au campement en premier pour aider à la préparation et au rapatriement des vivres. Ce soir là, nous construirons un igloo tous ensemble après que les autres participants nous eûmes rejoint au camp. Si la culture inuite vous intéresse, j’y consacre un article (voir ci-dessous). La nuit tombe, il est temps de dormir, de reprendre des forces. Tous ensemble dans cet immense dortoir, éclairés et chauffés au poêle, on se dit sinitsialangavutit.
05 mai. Le troisième jour d’expédition sera tout aussi intense. Je me surpasserai en allant beaucoup plus loin que la veille. Dépasser ses limites, repousser les douleurs de son corps, c’est pour ça que j’aime me confronter à de telles challenges sportives. J’ai aussi envie de démontrer qu’il ne faut pas être un(e) athlète chevronné(e) pour réussir et aller jusqu’au bout. Il suffit parfois simplement de courage et ténacité. Je finis par comprendre de manière autodidacte la technique du ski de fond. Je finis même par dépasser Benjamin. J’arrêterai cette fois-ci au 23e km. Cette troisième journée aussi m’aura semblé longue. Marcher sans en voir le bout dans le silence c’est très thérapeutique. Et carrément flippant ! Au moment de déjeuner, je suis arrivée à la tente de rassemblement lessivée. Je ne sentais presque plus mon corps, comme si mes pas, mécaniques, m’avaient traîné jusque là. Pourtant, c’est bel et bien heureuse que j’ai jeté un regard, nostalgique, au-dessus de mon épaule pour apprécié le chemin parcouru.
06 mai. Le quatrième jour je laisse ma place à Peter, l’un de nos guides, qui était ravi de prendre mes bâtons et de me remplacer. Je reste avec Willie pour en apprendre plus sur la culture inuite. La fin d’après-midi sera plus compliquée pour tout le monde. Le blizzard s’est levé et semble nous dévorer. Je me sens comme prisonnière de cette toundra. J’ai l’impression de suffoquer. Les guides stoppent la progression des autres voyageurs jugeant le temps trop dangereux. L’expédition devenue alors trop risquée, chacun enfourche l’une des motoneiges et 30mn de conduite infernale nous amène jusqu’au camp de Qullusutallik. 28km nous sépare alors du village de Kangiqsujuaq. Impossible de voir à deux mètres de soi. Le blizzard nous bouffe, littéralement. Les drapeaux oranges fluos des motoneiges s’affolent frénétiquement. La crainte s’installe dans les discussions. Ce soir là, nous essayerons de penser à autre chose qu’à l’expédition grâce à nos guides qui nous initieront à l’inuktitut. Nous offrant un beau moment (encore) de partage.
07 mai. Le dernier jour, nous retrouvons la Baie d’Ungava, celle que nous avions foulé il y a tout juste quelques jours sous un grand ciel bleu. En l’espace de quatre petits jours, la neige a commencé à fondre sur les hauteurs. La brume nous ne quittera pas jusqu’à l’arrivée finale. Benjamin a réalisé cette dernière journée sans abandonner. Il est au bout de ses forces. Quatre jours qui en un éclair de fraction se terminent. Déjà ! Les muscles se relâchent, la pression tombe, laissant place à la satisfaction et aux larmes qui arrivent bien trop vite.
Alors que j’aperçois depuis mon skidoo le village de Kangiqsujuak se dessiner, je ne réalise toujours pas ces cinq derniers jours d’expédition. Pendant cinq jours j’ai perdu tous mes repères : temps, habitude de vie, consommation. J’ai affronté un blizzard dense et brutal, des vents froids et violents. Quand je n’étais pas sur le ski de fond, je traversais cette toundra en motoneige. J’ai tutoyé l’inconnu et me suis laissée happer dans cette culture ancestrale.
Mon admiration est sans limites envers ces anciens nomades des terres lointaines du Nord Québec qui ont su s’adapter et vivre en pure respect de leur habitat. Je me suis frottée à un territoire hostile qui pourrait presque effrayer pourtant j’en suis revenue attendrie, touchée, émue. Dans ce grand nord, ce Nunavik polaire, j’ai retrouvé des instincts perdus. Vous dire que cette aventure fut la plus belle de ma vie ne rendrait même pas justice à 1/10e de ce périple. Encore tout frais dans ma tête et mon cœur, il n’y a pas un seul jour où je ne pense Nunavik, rêve Nunavik et réfléchis à mes prochains voyages là-bas ! Car j’en suis profondément convaincue : on ne pose ses pieds au Nunavik sans vouloir y revenir très vite !
Visiter le parc national des Pingualuit | Informations pratiques
Comment se rendre au parc national des Pingualuit
En hiver — l’accès au parc se fait depuis le village de Kangiqsujuaq. Le transfert jusqu’au parc représente un peu plus de 100km de motoneige. En hiver les conditions météo peuvent être rudes (-50 degrés) il est déconseillé (peut-être même impossible) de s’y rendre par ses propres moyens. Faire appel à un guide inuit c’est s’assurer de ne pas se perdre mais aussi de vivre une vraie aventure humaine.
En été — l’excursion au cratère de Pingualuit est plus rapide et accessible. Un avion d’Air Inuit vous dépose directement aux pieds du cratère et les voyageurs restent dans ce périmètre 2 ou 3 jours pour randonner et faire du kayak.
Données GPS de l’expédition et de la première journée d’exploration dans les environs de Kangiqsujuaq
Avec qui partir ?
Pour cette expédition nordique hors des sentiers battus nous sommes partis avec Parks Nunavik. Véritable expert de la région, ils s’occupent d’organiser votre séjour de À à Z et vous garantissent un accompagnement avec des guides inuits (qui connaissent mieux le terrain que personne). Petit conseil ; dû à des places restreintes dans les camps et les villages, il faut réserver assez à l’avance son voyage.
Le séjour d’hiver proposé par Parks Nunavik est une expédition de 5 jours combinant la découverte et la descende dans le cratère des Pingualuit. Puis enchaînant avec un trek de 4 jours à raison d’une trentaine de kilomètres par jour pour rejoindre le village de Kangiqsujuaq.
Prix du séjour 4299$ pour 9 jours, tout inclus (vol depuis Montréal)
Oui voyager au Nunavik représente un certain coût et c’est tant mieux ! Le Nunavik n’est pas une destination “bon marché” ce qui (à mon grand bonheur) empêchera les voyageurs “compulsifs” et l’ouverture au tourisme de masse de se faire. Le forfait peut, pour certains, être cher, mais au vue des prestations, de l’organisation et de la qualité de ce voyage, vous en aurez largement pour votre argent. Croyez-moi !
C’est un voyage qui demande aussi une grande flexibilité de la part des voyageurs (votre avion retour pourrait être retardé d’un, deux, voir plusieurs jours). Il faut avoir un certain niveau physique pour réaliser les 30 km de ski de fond quotidien. C’est un voyage d’aventure ; il n’y a pas hôpitaux, villages ou autre dans les environs. Vous êtes livrés à vous-mêmes.
N’oubliez pas votre assurance voyage indispensable ! Nous sommes partis assurés par Airmedic qui offre une assistance médicale et un transport aéroporté partout au Québec.
L’équipement pour un voyage au Nunavik
Si vous voyagez en hiver au parc national des Pingualuit, Parks Nunavik s’occupe de vous fournir le matériel de ski de fond ainsi que le pantalon et veste de motoneige (qui vous suivront tout au long du séjour). En terme d’équipement personnel, il faudra prévoir vos tenues de ski, doudounes isolantes, polaires, sac de randonnée, masque, crème solaire etc.
Se termine ici cette belle épopée au Nunavik. Un voyage qui vous prend aux tripes, qui m’a pris aux tripes oui. J’en profite pour remercier mes compagnons d’aventure (qui se reconnaîtront) et bien évidemment un remerciement particulier à Louise et aux Inuits qui ont croisé nos chemins (sans qui ce voyage n’aurait jamais été le même). Un immense merci à vous, déjà nombreux, à avoir lu notre premier article. Je vous invite à voyager au Nunavik, vous-aussi, avec les intentions les plus pures. Gardez votre cœur grand ouvert sur le monde et les cultures d’ailleurs. Si différentes de nos habitudes mais qui pourtant, on énormément à nous apprendre. Partez au Nunavik avec le plus profond des respects. N’y allez pas pour voir ou faire “une belle photo instagram”. Allez là-bas pour vous retrouver, retrouver un monde qu’on ne connait pas/plus. Partez, car un voyage au Nunavik c’st un voyage hors du temps dans lequel vous ne reviendrez probablement jamais.
A R E Y O U O N P I N T E R E S T ?
Gardez notre article sur Pinterest pour préparer votre expédition au Nunavik
Dossier voyage au Canada :
VOYAGE AU QUÉBEC — VOYAGE AU NOUVEAU BRUNSWICK — VOYAGE EN ONTARIO —VOYAGE EN ALBERTA
Nous avons réalisé ce (superbe) reportage photo pour les Parcs Nunavik.
Notre liberté éditoriale, comme toujours, reste intacte.
Le cratère est ultra impressionnant en étant enneigé comme ça !
C’est vraiment une expérience extrême! je serais incapable de fournir un tel effort (et de toute façon, je ne sais pas skier), mais c’est sans aucun doute la meilleur façon de se confronter à soi aussi!
WOW, quel immensité, quel paysage & quel challenge!
Bravo ! Pour le récit, les photos & tout ces kilomètres engloutis en ski de fond (ou motoneige), c’était un beau défi (prêts pour la traversée de Charlevoix en ski de rando du coup ? hihi)
Le cratère est complètement malade ! Avez-vous ouvert votre bouteille ou vous gardez l’eau précieusement ?
Quelle exploit que de parcourir une telle distance au milieu de cette immensité ! Cela a du être une expérience incroyable et mémorable. Merci pour ces jolies photos immersives ♡
Wouaw quelle expédition ! Merci pour cette découverte et bravo pour ta détermination. J’avais tenté le ski de fond il y a très longtemps et j’avais eu beaucoup de mal aussi. Je n’avançais pas assez vite à mon goût et j’avais trouvé ça très fatigant!
Les paysages sont incroyables! On peine à imaginer l’immensité des lieux… (malgré votre grand talent photographique habituel!)
Oui c’est un prix à considérer, mais comme tu le dis très justement, en même temps ça évite un tourisme de masse et ça contribue ainsi à protéger cet aspect naturel inestimable. Et puis à lire votre aventure c’est clairement réservé à des personnes en bonne condition physique et avec les bonnes intentions avant de se lancer dans un tel prériple.
J’aurai aimé être une petite souris dans votre sac à dos, c’est à couper le souffle!
Aventure palpitante et superbes photos!
En pleine canicule, j’ai froid en lisant votre récit…
Merci et bonne route à vous`
Magnifiques espaces et paysages ! Merci pour ce beau reportage et cette belle découverte !